Autopsie de l'Inconnu du Linceul (2)

Plaies du visage et du cuir chevelu

 

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Tuméfactions au visage

 

Coulées sanguines au niveau de la tête

 

Suite: Autopsie - blessures en éventail des épaules à la région lombaire


 

 

 

 

Tuméfactions au visage

1. Observations

Une observation attentive de l’image du visage de l’Homme du Linceul montre de nombreuses tuméfactions:

 

·Excoriation et tuméfaction de la base du nez laissant supposer une fracture du cartilage dorsal, tout près de l’os nasal

·Tuméfaction des arcades sourcilières

·Tuméfaction de la joue gauche

·Déchirure de la paupière droite

· Enflure de la pommette droite, sous l’œil

·  Blessure dans la région sous-orbitaire droite, en forme de triangle (dont la base fait deux centimètres) orienté vers le nez

·Les excoriations sont plus nombreuses du côté droit du visage.

· Avec beaucoup d’attention, on remarque aussi qu’il manque l’extrémité droite de la moustache et une partie de la barbe, du côté droit également. On peut penser qu’elles ont été arrachées.

L’ensemble de ces marques oblige à conclure que l’homme du Suaire a reçu plusieurs coups violents portés au visage. Les lésions du côté droit auraient été produites, selon Giovanni Judica - Cordiglia, par un bâton d’un diamètre  de 4 à 5 cm. Des coups vigoureux auraient été donnés par un agresseur situé à droite de l’homme battu.

 

2. Lecture des Evangiles

Les récits des Evangiles relatent les nombreux outrages dont le Christ a été victime. Des indications temporelles sont portées : chez Matthieu et Marc, les outrages ont lieu après la séance du Sanhédrin, au Prétoire.

Marc précise que Jésus est battu à coups de roseau : on pourrait y voir la confirmation de l’hypothèse de Giovanni Judica – Cordiglia :

Mc 15, 19 « Et ils lui frappaient la tête avec un roseau. ».

Luc situe les premiers outrages durant l’attente de la nuit, avant la séance du Sanhédrin. Le Christ, visage voilé, est roué de coups sans préciser si ceux-ci sont portés au visage :

Lc 22, 63-65 « Les hommes qui le gardaient le bafouaient et le battaient ; ils lui voilaient le visage l’interrogeaient  […] : Qui est-ce qui t’a frappé ? »

Pour Jean enfin, les premiers coups au visage sont portés juste après l’arrestation de Jésus, par un garde.

Contrairement à ce que présente la tradition populaire du “Chemin de Croix”, il n’est pas précisé dans les Evangiles si le Christ est frappé à nouveau avant sa crucifixion

 

Coulées sanguines au niveau de la tête

 

1. Observations

On observe sur toute la hauteur du crâne des coulées de sang –ou plus exactement les caillots qu’elles ont laissés et qui se sont décalquée sur le linceul- qui semblent se perdre dans la masse des cheveux. Cependant, vers le bas du front, on distingue nettement deux à trois coulées qui suivent des trajets irréguliers, comme si le sang avait suivi les rides du front. Elles paraissent toutes provenir de “piqûres” s’apparentant à des perforations du cuir chevelu. On sait qu’une plaie au cuir chevelu saigne abondamment en raison des nombreux vaisseaux superficiels qu’il contient.

 

 

 

Text Box:  
CAILLOT
ARTERIEL
     (Bleu)

     CAILLOT                                                                                   

     VEINEUX

         (Vert)

 

 

 Positif             Image 3D                        Positif                  Image 3D

 

Sur la face antérieure de la tête, on distingue un gros caillot (dans la partie colorée en vert sur la figure) prenant naissance à la limite des cheveux et descendant vers l’arcade sourcilière gauche où il s’arrête avant de suivre l’arcade. Il s’agirait d’un écoulement de sang veineux, lent, provenant de l’effraction d’une veine frontale. A droite, un autre caillot (dans la partie colorée en bleu sur la figure), prenant lui aussi naissance à la limite des cheveux et descendant sur les cheveux en deux coulées distinctes, fines, tendues. Il s’agirait de sang provenant d’une effraction de l’artère frontale superficielle droite avec son écoulement fin, pulsatile, envoyant un petit jet de sang à quelque distance.

Sur l’image postérieure, on observe des coulées identiques, sinueuses et provenant de perforations, mais en plus grand nombre.

 

2. Lecture des Evangiles

De telles observations font évidemment penser au couronnement d’épine, épisode de la Passion que l’on retrouve décrit brièvement chez Jean mais l’évènement fait l’objet de plusieurs versets chez Marc et Matthieu. Toutefois il est à noter que Luc ne parle pas de ce couronnement.

Mt 27, 29 « puis, ayant tressé une couronne avec des épines, ils [les soldats du gouverneur] lui placèrent sur la tête… »

Il est étonnant de remarquer que la peinture byzantine et ses Christ pantocrator ainsi que les primitifs italiens comme Giotto, Lorenzetti ignoraient toute couronne ; il faut attendre le XVème siècle pour qu’une couronne ou un bandeau d’épine soit posé sur la tête du Christ.

 

3. Casque ou couronne d'épines?

Deux hypothèses principales, qui rejoignent les Evangiles, voudraient expliquer les saignements abondants observés. La première propose que la tête du Christ ait été enserrée d’un casque (métallique) d’épines.

Pour étayer cette hypothèse Pierre Barbet se fonde sur les affirmations de Saint Vincent de Lérins mais aussi sur les nombreuses peintures du Christ couronné (Barbet, 1965) :

Saint Vincent de Lérins ( ?- ~450) écrit dans Sermo in Parasceve « Ils imposèrent sur sa tête une couronne d’épines ; elle était, en effet, en forme de pileus… »

Le pileus était chez les Romains une coiffe en feutre semi-ovale répandue, utilisée surtout par les esclaves pour le travail. Pierre Barbet émet l’idée qu’une telle coiffe aurait pu être utilisée comme calotte pour fixer autour de la tête des branches tressées d’un épineux de type jujubier qui présente des épines acérées. Les branches épineuses sont ainsi enserrées autour de la tête par le pileus, lui-même maintenu par une couronne de jonc. Ceci expliquerait les perforations nombreuses du cuir chevelu. Pierre Barbet trouve également dans l’étude du trajet des coulées sanguines un argument de plus à sa thèse. Il remarque, sur l’image postérieure, que tous les caillots sanguins semblent s’être arrêtés au niveau d’une ligne concave en haut. Cette ligne marque selon Barbet le passage du bandeau de jonc serré sur la nuque. Enfin, le chirurgien explique les très nombreuses coulées sanguines au niveau postérieur par l’appui de la tête du Christ contre la croix ce qui provoque une exacerbation des plaies.