Autopsie de l'Inconnu du Linceul (3)

Blessures en éventail


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Observations

 

Signes d'une flagellation ?

 

Données historiques

 

Etude des Evangiles

 

Suite: Autopsie - Plaie sur l'épaule droite

 

 


 

 

 

 

 Observations

Sur l’ensemble du dos, des épaules à la région lombaire, on trouve des marques d’environ 3 cm de longueur dont la forme générale évoque celle d’un haltère. Groupées généralement par deux, les marques sont formées de deux petites plaies parallèles de 10 à 12 mm de diamètre, séparées de 1,3 cm environ. Elles sont  disposées en éventail au niveau de chaque flanc de l’Homme du Linceul. Le même type de marque est aussi retrouvé sur la poitrine et les membres inférieurs : jambe droite et gauche, face postérieure. Leur direction varie selon leur situation : elles sont obliques dirigées vers le haut sur le thorax, horizontales sur les reins et obliques dirigées en bas sur les membres inférieurs. Leur nombre total est évalué entre 100 pour Barbet et 180 pour Giulio Ricci.

Text Box: Agrandissement d’une plaie en éventail au niveau du dos.
Text Box: Schéma indiquant l’ensemble des blessures en éventail.

 

 

 

 

 

 

 

 

L'Inconnu du Linceul a-t-il subi la flagellation ?

De telles excoriations font penser à des coups portés à l’aide d’un fouet qui serait muni, aux extrémités de ses lanières, de balles faites en matière suffisamment rigide pour pénétrer les chairs et occasionner des blessures en forme d’haltère.

Les directions relevées semblent indiquer que les marques se répartissent en deux séries. Une première série en éventail sur le côté gauche, dirigé comme il a été constaté avant c’est-à-dire vers le haut sur le tronc, horizontalement au niveau des hanches et obliquement vers le bas sur les jambes. L’ensemble de ces marques aurait pour origine le fouet d’un premier bourreau à la gauche du supplicié. Une seconde série en éventail sur le côté droit, presque symétriquement opposée à la première par rapport à  une ligne imaginaire passant par la colonne vertébrale. Elle serait l’œuvre d’un second bourreau, situé à la droite de la victime.

Les bourreaux, remarque Pierre Barbet, ne doivent pas être de même taille, car « l’oblicité des coups n’est pas la même des deux côtés ». Chacun d’eux a donné 50 coups de fouet au minimum, répartis des épaules aux membres inférieurs.

La plupart des marques est située sur la face postérieure du corps, le visage ne porte aucune trace de flagellation. Il n’y a pas de trace non plus sur les avant-bras, preuve qu’ils étaient certainement écartés du corps.  Il est fort probable que le condamné était attaché face à une colonne et que les deux bras étaient attachés en hauteur, mais à deux points distincts séparés du corps, un peu dans la position de la crucifixion. Enfin, Pierre Barbet fait remarquer que l’on observe les plaies en haltère jusqu’à la région fessière, preuve que l’Homme du Linceul a été fouetté entièrement nu.

 

Historique de la flagellation

La flagellation était chez les romains une pratique courante avant la crucifixion. Le nombre de coups de fouet était strictement limité à 40 par la loi hébraïque mais pour les  romains, il n’existait pas de limite, hormis le fait que le condamné devait encore être capable de porter sa croix jusqu’au lieu du supplice. On utilisait alors le flagrum, fouet à manche court portant plusieurs lanières épaisses et larges, généralement deux parfois trois. Chaque lanière était munie à son extrémité de balles de plomb ou d’os de mouton. Le supplice était sans nul doute difficilement supportable : les lanières coupaient la peau alors que les balles ou les osselets imprimaient de profondes plaies contuses. Il en résultait une hémorragie et un affaiblissement considérable de la résistance vitale du condamné. Un tel instrument de torture pourrait avoir occasionné les plaies observées sur l’Homme du Linceul.

 

 Que disent les Evangiles ?

L’Homme du Linceul a clairement enduré la flagellation et les récits des Evangiles sont tout aussi clairs quant aux supplices éprouvés par le Christ. Cependant, il existe une nette opposition entre les récits de Matthieu et Marc et ceux de Luc et Jean. Ce désaccord réside non pas dans le déroulement de la flagellation, qui n’est pas décrit, mais dans le but même de ce supplice.

Chez Matthieu, Marc la flagellation aurait été ordonnée par Pilate lui-même comme prélude à la crucifixion.

Pour Luc et Jean, la flagellation apparaît comme « un châtiment préventif, antérieur à la sentence et ayant pour but de l’éviter » selon les notes de l’Ecole Biblique de Jérusalem. On relève à cet effet différents termes montrant la différence des points de vue :

Mt (27, 26)  « […] quant à Jésus, après l’avoir fait flageller, il le livra pour être crucifié »

Lc (23) « Pilate, qui voulait relâcher Jésus […] dit [sous l’insistance de la foule] : je le relâcherai donc, après l’avoir châtié. […] Il livra Jésus à leur bon plaisir [de la foule]. »

Pour le premier, les autorités romaines sont à l’origine de la condamnation ; pour les seconds, Pilate n’a fait que subir les injonctions de la foule. Sans vouloir donner raison aux uns ou aux autres, on peut se demander pourquoi, dans l’hypothèse où Pilate a subi la foule, tant de coups de fouet ont été assénés alors que le but était d’éviter tout supplice au Christ.