Autopsie de l'Inconnu du Linceul (1)

Les coulées sanguines


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Deux types de tache sanguine

 

Une couleur rouge surprenante

 

Durée de séjour dans le Linceul

 

Suite: Autopsie - Plaies du visage et du cuir chevelu



Deux types de tache sanguine

Lorsqu’on dépose une goutte de liquide sur un tissu, il diffuse par capillarité dans toutes les directions en donnant une image dont le bord est étoilé ; ceci est vrai pour une goutte de sang frais. Or les taches rosées présentent un bord net, non étoilé ; elles ne peuvent donc pas avoir été formées par du sang liquide ayant imprégné le tissu mais résultent plutôt de la reproduction -de type décalquage- de caillots sanguins incomplètement secs. Les traces rosées ne correspondent donc pas à un écoulement de sang frais. Deux taches seulement sont constitués de sang frais non coagulé : au niveau du thorax, et sous le pied droit, la trace issue de la plaie de la voûte plantaire en direction du  talon; à ces niveaux, les taches sanguines présentent des bords non nets et semblent avoir pénétré la fibre.

 

Sang non coagulé, au niveau du thorax. La tache est partiellement manquante, puisque l'incendie de Chambéry est à l'origine d'une trouée à cet endroit.

 

 

Plaie post-mortem au niveau du pied

 

 

 

Une blessure post-mortem reste béante et laisse ainsi libre cours à l’hémorragie. En effet, une plaie sur un organisme vivant entraîne un phénomène réflexe de contracture des muscles qui l’entourent aboutissant à une tentative de fermeture ; au contraire une plaie faite sur un cadavre reste béante : les muscles ne se contractent plus et le sang, toujours liquide dans les vaisseaux même après la mort, continue de couler. C’est ce qui est observé sur ces deux blessures : elles sont les seules à avoir saigné de manière abondante après la mort.

 

Une couleur rouge surprenante

On a pu démontrer que la couleur rouge, étonnante pour du sang ancien, s’expliquait par la présence en concentration anormalement élevée de bilirubine. Une concentration élevée en bilirubine dans le sang est fortement liée à des signes de souffrance ; par exemple, l’excès de bilirubine est un indicateur de souffrance fœtale et périnatale. Dans le cas de l’Homme du Linceul, on pourrait penser que l’excès de bilirubine s’explique par des souffrances atroces et épuisantes avant la mort.

 

Durée de séjour dans le Linceul

 

1. Données médico-légales

La connaissance des processus de coagulation et d’hémostase secondaire -associée  à l’étude des décalques sanguins- permet aux experts légistes d’évaluer assez finement la durée de séjour du corps dans le linceul. A partir de 40 heures de séjour du corps dans le linceul, on aurait observé sur ce dernier des taches diffuses -et également des traces de décomposition, de putréfaction des chairs- qui n’ont pas été relevées sur le tissu. Ainsi, les experts affirment que le corps a été déposé dans le linceul moins de 2 heures 30 minutes après la mort et qu’il y est resté entre 36 et 40 heures.

 

2. Lecture des Evangiles

On retrouve de nombreuses indications temporelles concernant le récit de la Passion, et ceci dans les quatre Evangiles.

L’Evangile selon Matthieu présente des repères chronologiques intéressants, retrouvés également chez Marc :

Mt 27, 45-50 « A partir de la sixième heure, l’obscurité se fit sur toute la terre, jusqu’à la neuvième heure. […] Jésus poussant un grand cri, rendit l’âme. »

[sixième heure et neuvième heure : Les traducteurs français de l’Ecole Biblique de Jérusalem situent cette période entre midi et trois heures de l’après midi.]

Mt 27, 57-60 « Le soir venu, un homme riche d’Arimathie […] prit donc le corps, le roula dans un linceul propre… »

On voit ici que le temps séparant la mort et la mise dans le linceul, minimum trois heures plus tard, dépasse largement les 2 heures 30 et ne s’accorde donc pas avec les données des légistes concernant l’hémostase et la formation des décalques sanguins.

L’Evangile de Jean donne encore des précisions quant à la durée de séjour dans le Linceul. Il est précisé que le tombeau est retrouvé vide « le premier jour de la semaine » (Jn 20, 1), soit le dimanche . Les historiens considèrent que la mort sur la croix est survenue un vendredi vers 15 heures. La durée maximale de séjour du Christ dans le Linceul est 48 heures. On ne peut raisonner qu’en durée maximale de séjour puisque, évidemment, aucune indication temporelle n’est donnée sur l’instant précis auquel le Christ a “disparu” du tombeau. Ces données ne sont pas en désaccord avec les réalités médicolégales. Malgré tout, elles ne constituent pas une preuve évidente.

 

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