Autopsie de l'Inconnu du Linceul (5)

Plaie du flanc droit


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Observations

 

Evangiles

 

Impression de la plaie sur le Linceul

 

Interprétation clinique des coulées

 

Interprétation clinique de la blessure

 

Conclusion

 

Suite:

 

 


 

Observations, analyses

Il s’agit de l’une des deux plaies ouvertes observées sur le Linceul, comme en témoigne les saignements post-mortem s’en écoulant. L’image de la plaie a été partiellement détruite par l’incendie de Chambéry : il manque une partie de la coulée sanguine. Cette lacune permet toutefois une étude détaillée.

Sous le pectoral droit, il apparaît une tache rosée très colorée. Il s’agit d’une blessure de forme ovalaire, oblique en dedans, qui mesure 4,5 sur 1,5 cm. On observe en lisière de la lacune une large marque de sang de 6 cm de hauteur. En bas, la coulée sanguine semble se mélanger à des coulées plus claires dont les analyses réalisées par le STURP ont mis en évidence une composition s’apparentant au sérum. 

 

Etude des Evangiles

Seul l’Evangile selon Saint Jean rapporte  le coup de lance donné par un légionnaire à Jésus et on peut s’étonner de ce fait. Il est en revanche précisé que ce coup fut porté après la mort du Christ, il s’agit bien d’une blessure post-mortem. L’Evangile de Saint Jean, le plus précis des quatre concernant le Passion, nous apporte d’autres détails intéressants : le coup a été porté « au côté » à l’aide de la lance d’un soldat (fig. 32), de la plaie sortit « du sang et de l’eau » (Jn 19, 34) .

 

Un problème : les modalités d’impression de la plaie sur le Linceul

La position du corps dans le Linceul, bras croisés,  interdit un contact entre les flancs du cadavre et le Linceul. Il est donc probable que l’empreinte sanglante s’est formée avant la mise au tombeau lors du transport du mort vers le sépulcre.

 

Interprétation clinique des coulées 

Si l’hémorragie ne pose pas de question -on sait que le sang reste liquide dans les vaisseaux après la mort- l’écoulement du liquide clair interroge quant à sa provenance.

 

1. Un épanchement péricardique?

C’est Pierre Barbet qui, le premier, fut interloqué par les coulées claires s’étant échappées de la plaie (Barbet, 1965). Son hypothèse, “le sang et l’eau” énoncée après expérimentations et radiographies de vérification, propose qu’il s’agisse d’un épanchement péricardique. Il suppose que des souffrances importantes pourraient provoquer un épanchement abondant ; autrement dit une péricardite séreuse post-traumatique. Pourtant, suite à de nouvelles expérimentations menées sur l’animal en 1965 par Donnet, physiopathologiste marseillais, les conclusions de Pierre Barbet paraissent moins évidentes (Guillaud-Vallée, 1998). Les résultats obtenus par Donnet montrent qu’aucun cas ne présente d’écoulement distinct de sang et d’eau et, plus encore, huit cas seulement montrent un écoulement liquidien par la plaie pratiquée (fig. 31). Le physiopathologiste marseillais propose une explication aux phénomènes qu’il a observé expérimentalement.

1°/ Absence d’écoulement de quelque nature qu’il soit : l’invagination physiologique du poumon lors de sa perforation tend à stopper tout écoulement.

2°/ Absence d’écoulement sanguin : selon les lois de la pesanteur, un corps suspendu verticalement voit son retour veineux diminuer. Il cesse en période post-mortem. Les cavités cardiaques sont alors pour ainsi dire vides. Il faudrait donc comprimer l’hémicorps inférieur pour assister à un remplissage des cavités cardiaques et obtenir un écoulement sanguin conséquent lors de la perforation.

Cependant, des publications récentes vont dans le sens des hypothèses de Pierre Barbet : l’hydropéricarde traumatique pourrait même être à l’origine de la mort du supplicié, par étouffement (Stevenson, 1990).

 

2. Un épanchement pleural hématique qui  a sédimenté ?

Anthony Sava, chirurgien et collaborateur du STRUP, propose une autre explication à ce double épanchement. Il dit avoir observé à plusieurs reprises des épanchements pleuraux faisant suite à un traumatisme thoracique “fermé ”, qui, lorsqu’ils sédimentent peuvent présenter deux phases –aqueuse et sanglante- séparées. Il considère que la flagellation à l’aide du flagrum pourrait être à l’origine d’un épanchement de ce type (Guillaud-Vallée, 1998).

 

3. Un écoulement sanguin d’origine extra cardiaque ?

Cette hypothèse évoquée par Olivier Guillaud-Vallée est envisageable si l’on considère :

·        qu’un hématome superficiel s’est formé suite à un traumatisme, comme par exemple la flagellation 

ou

·        que l’estomac ou la veine cave inférieure a été lésé.

 

Interprétation clinique de la blessure

La blessure est localisée précisément et correspond à une perforation de forme ovalaire et oblique en dedans. Elle se situe au niveau du muscle grand dentelé ce qui explique sa forme déchiquetée. La plaie est située du côté droit du thorax, ce qui signifie que le coup porté à l’aide d’un objet perforant à l’origine de l’entaille a été asséné sur le côté droit de la poitrine. Le cœur étant situé à gauche (ou plus précisément médiolatéral gauche) il est nécessaire, pour que l’objet perforant touche le péricarde comme le suggère la thèse de Pierre Barbet (Barbet, 1965), de porter un coup en oblique de l’extérieur vers l’intérieur (fig. 33). Selon les mêmes expérimentations, la blessure se situerait au niveau du cinquième espace intercostal (fig. 34).

 

Conclusion

Quelle que soit l’origine du double écoulement observé sur le Linceul, il est indéniable que cette plaie ouverte du flanc droit présente les caractéristiques d’une plaie post mortem ; en d’autres termes, le coup a été porté au flanc après la mort. Cette indication est de premier intérêt concernant les circonstances de la mort du supplicié du Linceul : elle nous permet d’affirmer que la victime est décédée avant la mise au tombeau, dans une position verticale.

 

 

L’étude de chacune des plaies, évidentes ou suggérées, présentes sur l’empreinte du supplicié du Linceul, nous apporte des éléments d’étude qui, mis en relation les uns avec les autres, permettent une reconstitution des dernières heures de l’Homme du Linceul. Par exemple, il est incontestable que ce dernier a subit de nombreux outrages avant et après une fort probable crucifixion. Ces renseignements précieux vont peut être permettre de percer le mystère de son identité.